top of page

Christophe Frérot, la scolarisation difficile de mon fils Thomas autiste

Dernière mise à jour : 21 avr. 2018


Entre le manque de place pour les scolariser en milieu ordinaire, et le déficit d'accompagnants qualifiés pour aider ces enfants pas tout à fait comme les autres, le parcours des parents d'enfants handicapés est semé d'embûches.

Quand Thomas était petit, les médecins consultés par ses parents n'étaient guère optimistes sur son potentiel. "On nous disait qu'il n'irait jamais plus loin que la grande section de maternelle", se souvient son père, Christophe Frérot. Car le jeune Thomas souffre d'autisme. Une maladie neurologique qui altère le fonctionnement du cerveau, perturbe les échanges sociaux et affectifs, et entraîne notamment une hypersensibilité et des troubles du comportement. Une maladie identifiée comme un handicap par l'Education nationale. 


Un accompagnement individuel indispensable


Aujourd'hui élève de 5e dans un collège public "ordinaire" d'Elbeuf, l'ado de 14 ans a fait mentir les pires prophéties. Il sait lire, écrire, compter, réciter une poésie. Il doit son parcours scolaire à l'acharnement de ses parents, qui ont toujours cru en son potentiel, mais aussi aux différentes AVS (aujourd'hui AESH, accompagnants des élèves en situation de handicap), qui l'ont accompagné tout au long de ses années d'écoles. "Il y a eu Clémence, Amélie, Florence, Sandrine, Rebecca, Laure...", le père de Thomas se souvient de chacune d'elles.  

Sans AVS, l'école était impossible pour le garçon. Très sensible aux bruits forts, qui l'effraient particulièrement, il doit être accompagné dans et hors la classe. "Quand le maître dit 'sortez vos cahiers', Thomas ne comprend pas forcément que ça s'adresse à lui, explique Christophe Frérot. C'est pour ça qu'il a besoin d'une AVS: pour le tranquilliser, pour lui répéter les consignes, pour l'aider à s'organiser."D'ailleurs, la MDPH, maison du handicap de son département, a fini par reconnaître que Thomas avait besoin d'une AVS individuelle, à chaque heure de cours, y compris pendant la récréation -mais pour obtenir cette notification, son père a dû en passer par la justice et saisir le tribunal du contentieux et de l'incapacité (TCI).  


Tout pourrait presque bien aller dans le meilleur des mondes. Sauf que cette année, Thomas a dû faire sa rentrée sans AVS. Celle qui l'accompagnait l'année dernière était en arrêt maladie, "et l'Education nationale n'a pas jugé bon de la remplacer", résume Christophe Frérot. Aller au collège et suivre les cours sans AVS, une épreuve pour Thomas comme pour ses parents, même si le garçon est inscrit dans une ULIS, c'est-à-dire une classe réservée à des enfants qui souffrent de handicaps divers, avec un enseignant spécialisé. Son père résume: "Imaginez un aveugle à qui on retire sa canne ou son chien: il est perdu. Un enfant autiste sans AVS, c'est pareil.".Douze ans de bataille pour faire respecter la loi


Son enfant livré à lui-même, en dépit de son handicap - la situation révolte Christophe Frérot, comme tous les parents, nombreux, dont l'enfant est dans le même cas: " Début septembre, le ministère de l'Education nationale s'est engagé à ce que tous les enfants qui en avaient besoin aient une AVS dans les dix jours qui suivaient cette rentrée. On en est loin." Pourtant, la France n'a jamais compté autant de postes d'accompagnants pour les enfants en situation de handicap: plus de 86 000 à la rentrée 2015. Sauf que tous ces postes ne sont pas pourvus. 


Des chiffres importants mais qui ne pèsent pas lourd face à la colère du père de famille, qui a deux autres enfants de 13 et 10 ans et a arrêté de travailler pour s'occuper de son fils aîné: "L'intégration des enfants handicapés n'a visiblement pas le même sens pour l'Education nationale et pour nous, les parents. Depuis douze ans que Thomas va à l'école, nous avons dû nous battre tous les ans pour recruter une AVS, ou pour lui trouver une place dans une école, publique ou privée. Alors que la loi est de notre côté!" Dès 2009, en effet, le Conseil d'Etat avait condamné l'Etat pour défaut de scolarisation d'un enfant handicapé. Et la loi pour la Refondation de l'école de 2012 a affirmé le principe d'une école inclusive, qui intègre tous les enfants, y compris ceux qui sont en situation de handicap.  


Une question d'argent?

Reste que, faute de bénéficier de l'aide nécessaire en maternelle, Thomas a redoublé sa grande section. Et il a aussi redoublé son CM2, en attendant qu'une place se libère dans l'ULIS censée l'accueillir en 6e. "Résultat, résume son père, Thomas a deux ans de retard, qui ne sont pas liés à ses capacités scolaires, mais au fait que la scolarisation des enfants en situation de handicap n'est pas une priorité en France. Mais si on veut que les handicapés aient toute leur place dans la société, comme le prévoit la loi de 2005, il faudrait peut-être commencer par leur faire une place à l'école, non?" 

"Le paradoxe, pointe Christophe Frérot, par ailleurs vice-président du Collectif citoyen handicap, c'est que les enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire font économiser des sous à l'Etat!" Et de prendre sa calculette: "Si Thomas n'avait pas de place à l'école, il faudrait le mettre en hôpital de jour. Non seulement, il régresserait, mais en plus, ça coûterait 180 000 euros par an à l'Etat." Soit beaucoup, beaucoup plus que ce que coûte une AVS, avec un salaire mensuel de 600 à 800 euros net, au mieux. "

Si tout va bien, le jeune Thomas devrait récupérer "son" AVS début octobre. Mais son année de 5e n'a pas commencé dans les meilleures conditions: "Il est plus renfermé, dit son père. On le sent plus anxieux, moins ouvert aux échanges avec nous. Surtout, il est épuisé par ses journées qui lui demandent énormément d'effort." On a connu une meilleure façon de débuter son année scolaire. 

Article Repris du site l'Express, écrit par Sandra Chesnels


9 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page